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Article de Théodore Duret

Tobeen

Le peintre Tobeen, en débutant, lorsqu’il s’est d’abord montré aux Indépendants, en 1911, procédait par une extrême simplification. Qu’on me permette de répéter ce que j’écrivais, dans la Vie, en mars 1912 [1913] : “Les détails n’existent pas pour lui ! L’être humain s’accuse par des contours arrêtés. Les membres s’offrent sous une forme précise et en traits essentiels, saillants. Un arbre est rendu tout juste par un tronc et des rameaux réduits à deux ou trois contours. Une montagne, une colline sera ramenée à son apparence unitaire, à la forme géométrique que son aspect permet de dégager.”
Depuis, Tobeen s’est modifié. Il est sorti de son extrême simplification, il a mis plus de variété et de caractère accidentel dans ses œuvres. — Cependant, la manière de voir par masses et de rendre l’aspect des choses en les simplifiant a persisté. Ces particularités constituaient les traits fondamentaux de son art, elles découlaient de sa façon naturelle d’observer, elles ne pouvaient donc manquer de se retrouver, quelque fussent les changements secondaires que le temps et la poursuite de son art dussent apporter à son exécution première et aux procédés de ses débuts.
En même temps qu’il rompait avec son extrême simplification, il mettait plus d’enveloppe, de goût dans son exécution. Aux œuvres premières, où l’ossature, le squelette apparaissent avec un rendement plutôt léger, en on succédé d’autres, où la facture a pris plus de substance.
Tobeen est basque, de Ciboure. Il a d’abord peint des types et des sujets pris à son pays natal. On y sentait une forte saveur de terroir. Il a peint dernièrement des fleurs pleines de lumière, d’éclat et de velouté.
Le peintre chez Tobeen s’est doublé d’un graveur sur bois. Les peintres qui ont ajouté à leur travail du pinceau, celui de la pointe du graveur à l’eau forte ont été et sont encore assez communs, mais rares sont ceux qui ont gravé directement sur bois, qui ont eux-mêmes coupé le bois. Les gravures sur bois de Tobeen ont le même caractère que sa peinture. Elles sont d’une grande simplification, due à un travail frustre et large.

Théodore Duret
Le Carnet des Artistes (1917) 5, p. 3.